Les marraines de la Grande Guerre

Dans l’histoire des parrains et des marraines, il existe des marraines particulières. Dépourvues de baguette magique, les marraines de guerre avaient cependant des pouvoirs incontestables qui s’exprimaient au travers de leurs plumes. La Première Guerre Mondiale était à l’origine une petite guerre de laquelle les soldats pensaient revenir vainqueurs rapidement. Malheureusement le conflit dura et les soldats connurent rapidement l’enlisement des tranchées. Nous vous proposons de découvrir les marraines de la Grande Guerre qui ont aidé à leur manière les Poilus, une histoire de marraines qui rencontre la grande Histoire.

Les marraines pour soutenir les Poilus

Pour comprendre l’apparition des marraines de soldat, il faut comprendre la situation des Poilus. Partis pour une guerre rapide, les soldats pensaient revenir rapidement chez eux et retrouver leur foyer et leur vie d’avant. Mais la guerre en a décidé autrement et le conflit ne s’arrêta pas après quelques mois. Bien au contraire, les soldats restèrent au front dans une guerre d’usure éprouvante, par des températures glaciales et dans des conditions de vie très compliquées. Le moral des troupes s’en ressentit fortement car les soldats n’avaient pas imaginé que la guerre durerait autant et car ils n’apercevaient pas la fin du conflit.

Pour faire face à cette problématique première, pour redonner confiance et espoir aux soldats, Madame Marguerite de Lens eut l’idée de créer en 1915 « La Famille du Soldat ». Suivirent d’autres associations charitables dont l’association « Mon Soldat » qui reçut le soutien du ministre de la guerre. Enfin, des revues décidèrent de relayer cette initiative en proposant leurs propres rubriques comme ce fut le cas pour la revue « Fantasio » ou la revue « La Vie parisienne ». Grâce à ces revues, les Poilus eurent la possibilité de publier des annonces pour demander des marraines.

Le rôle de la marraine pendant la guerre

Les marraines de guerre sont à l’origine des œuvres charitables destinées à remonter le moral des soldats. Patriotisme et participation à l’effort de guerre se retrouvent dans les agissements de ces femmes. Parfois mères de famille, parfois vivant seules, ces femmes envoient des nouvelles aux soldats qui, à leur tour, leur font part de leurs doutes et de leurs peurs. Ces soldats qui n’avaient plus de famille ou une famille habitant en zone occupée peuvent ainsi se sentir moins isolés et ont, au contraire, le sentiment d’exister et la possibilité d’exprimer leurs sentiments. Certaines marraines se chargent même d’envoyer des colis à leur filleul avec de la nourriture, un réconfort très appréciable par temps de guerre.

Guillaume Apollinaire est un célèbre poète né polonais en 1880 et naturalisé français en 1916. Engagé dans la Première Guerre Mondiale, Guillaume Apollinaire, tout comme de nombreux autres soldats, entretiendra pendant quelques années une relation épistolaire avec Jeanne Burgues-Brun à partir de l’été 1915. Les premiers quatrains qu’il reçut d’elle furent qualifiés par le poète lui-même de talisman :

« Vous allez compléter la geste de vaillance
Des héros polonais au sol de nos aïeux
Emportez pour braver les destins ténébreux
Ce quatrain espérant d’une femme de France. »

Ce quatrain mais également l’ensemble de leurs échanges se retrouvent dans le recueil : « Lettres à sa marraine 1915-1918 » dont voici un autre extrait :

« Bien qu’il me vienne en août votre quatrain d’avril
M’a gardé de tout mal et de toute blessure
Votre douceur me suit durant mon aventure
Au long de cet an sombre ainsi que fut l’an mil

Je vous remercierai s’il se peut je l’assure
Quand nous aurons vaincu le Boche lâche et vil
Dont la vertu française a ressenti l’injure. »

Des chansons pour des marraines dévouées

Ces échanges de lettres en marraines et filleul ont également donné lieu à de nombreuses chansons populaires et émouvantes dont l’objectif était de célébrer et de remercier ces femmes au grand cœur.

C’est ainsi que Jacques Deljéhier a chanté des lettres d’un soldat des tranchées à sa marraine de guerre. Avec des paroles de Claude Lemesle et Manu Lods, on découvre dans ces chansons la relation privilégiée qui s’installe entre la marraine et le Poilu, un soutien moral indispensable.

Voici encore un extrait d’une chanson de Bruyant Alexandre de 1916 « La marraine des Poilus » :

« Savez-vous, marraine inconnue
Que j’ai pleuré comme un enfant
Votre lettre est la bienvenue
Je suis gai maintenant
Savez-vous marraine inconnue
Que j’ai pleuré comme un enfant
Votre lettre pour moi fut la bienvenue. »

Ces chansons témoignent de l’importance réelle des marraines sur le front. Les soldats attendent les lettres de leurs marraines comme un rayon de soleil au fond de leurs tranchées bien sombres et froides.

L’évolution de la correspondance épistolaire des marraines

Si le rôle des marraines de guerre était au début louable et patriotique, il a existé des dérives lors de ces échanges épistolaires. En effet, rapidement, ces lettres ont été montrées du doigt, trop grivoises pour les uns, trop dangereuses pour les autres :

  • À cette époque, les relations entre inconnus n’étaient pas vues d’un bon œil et ne faisaient pas partie des règles de bienséance. Lorsque les échanges se rapprochèrent d’échanges grivois, il n’en fallut pas davantage pour que les moralisateurs dénoncent cette pratique.
  • Les autorités militaires craignaient pour leur part que des espions rédigent les missives et sapent le moral des troupes et découvrent des informations stratégiques.

Le marrainage ne résista pas à ce double procès et les femmes rédactrices furent de moins en moins nombreuses.

Cependant, malgré les accusations de légèreté, le rôle des marraines de guerre reste déterminant et prouve l’importance de la solidarité au sein d’une patrie. La marraine, comme elle a été imaginée lors de la création des premières associations, apporte réconfort et écoute aux plus démunis. On la retrouva d’ailleurs lors de la Seconde Guerre Mondiale.

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